Intrus [Libre]

[Je ne te dérange pas trop ]

Mutinerie. Ce matin, un matin en apparence comme les autres, dans un coin de la Grande-Bretagne reculé, où il pleuvait, comme à l'habitude, des cordes qui frappaient violemment contre la pierre d'un vieux Château. Château abritant les élèves de Poudlard, et lieu d'accueil du grand savoir qu'est la Magie. Ce matin, Nathaniel ouvrit ses grands yeux bleutés à une nouvelle journée qui s'annonçait, comme à l'habitude, bien morne. Il n'avait qu'à ouvrir les yeux, et entreprenait une journée digne du jeune Lestrange. S'étant couché à peine trois heures auparavant, le jeune homme prit le temps de s'étirer longuement, profitant encore un peu de la douceur et de la chaleur de ce nid douillet, creusé à même ce lit à baldaquin aux couvertures de plumes et à l'édredon d'oie. Les richesses que regorgeaient l'humide Salle commune de Serpentard et ses Dortoirs n'avaient pas d'égal, du moins, si on exclut son Manoir. Le Manoir Lestrange, où il côtoie Eden et Martyr en quasi-étranger, sinon cette fausse impression de docilité quand il les croise, surprenant, dans l'immensitude de ce lieu. Nathaniel n'y croisait que peu sa soeur, son aînée, Luke. Son nom lui procurait un frisson semblable à la caresse du vent. Il n'avait jamais compris pourquoi. Peut-être était-ce l'envie d'être l'aîné, l'héritier, de cette famille honorable et fière. Peut-être pas, car Nathaniel comptait dessiner lui même sa propre destinée.

Cela dit, tout plaisir, toute réflexion, se traduit par un mouvement. Le voilà descendre, après avoir enfilé quelque chose de décent, direction les cours. Il n'a pas faim, d'ailleurs, a-t-il déjà eu ce besoin si élémentaire? Il ne s'en souvient pas, il ne s'en souvient plus. Il préfère taire sa faim dans un buffet de culture, de grimoires, et d'étancher sa soif de connaissance, et non pas d'eau, de vin, ou de ce liquide orangé qu'est le jus de citrouille. Nathaniel ne pense pas que cela explique sa minceur, et encore moins sa silhouette athlétique, bien qu'il n'y trouve aucune utilité. Le jeune homme, ses grimoires de Potions dans la poche (qu'il est utile, ce sortilège de Réduction), erre dans toute sa splendeur jusqu'à ce qu'un évènement, un seul, petit, fiel, ne vienne contredire cette douce léthargie. Annulation du cours de Potions? Mais jamais cela n'aurait du se produire, jamais un professeur aurait du trouvé cela admissible. Quoi qu'il en soit, son air supérieur émit un geste impulsif, celui du haussement de sourcil, puis officiellement, son esprit se mit en marche. Un nom. Hydrus Phineas Malefoy.

Ce résidu de Malefoy, ce frère ingrat à la gracieuse, la délicate Sélénia, qui avait encore fait des siennes. Nathaniel avait entendu une hymme (du moins un semblant, car Merlin seul sait que les Gryffondors ne sont pas des modèles d'intelligence) fait en son honneur. Hilarant, l'imbécilité de certains. Quoi qu'il en soit, le jeune Lestrange n'avait pas prévu ce léger contretemps, et qui dit ne pas prévu, ne pas plaire. Les yeux du garçon s'enflammèrent un instant, perlant une lueur étrange, puis il passa la main dans ses cheveux, n'accordant de regard qu'à cette pancarte ridicule. La fixant de ses yeux bleus, comme s'il cherchait à l'enflammer, le jeune homme murmura un sortilège, puis s'éloigna. Quelques secondes plus tard, un petit BOUM se fit entendre. Douce, douce fut cette mélodie. Suivant son intuition, Nathaniel arpenta les marches des Escaliers pour se retrouver ensuite à pousser les portes de la Salle de Bain des Filles, au deuxième étage.

Il ne fut pas surpris d'y retrouver Hydrus, au sol, accroupi devant les lavabos, comme le dernier des larbins. Un léger sourire se fraya un chemin jusqu'aux lèvres du jeune Lestrange, qui, pour la première fois de la journée, émit quelques sons.

«Est-ce le sort que l'on réserve aux fauteurs de trouble, récurrer les Toilettes, Hydrus?»

Il n'appellait personne par son prénom, sinon Luke et Sélénia. Pourquoi alors nommer le jeune homme, pitoyable fut-il, par son prénom? C'était simple, si simple, il serait se fourvoir que de permettre à cet énergumène d'encore répondre à son nom de Malefoy...

[ Yay, surprise party dans la toilette des filles, ça fait virile, non? ]

La porte s'était ouverte, béate comme la bouche d'Hydrus à cet instant. La galère! Nathaniel, comunément appelé Lestrange-le-rafiné-le-spirituel-Lestrange, chuchotés ici et là entre deux armures et un tableau qui tendait l'oreille. Hydrus savait pertinamment qu'il valait mieu éviter ce genre de réunion familiale, surtout lorsqu'on portait le nom de Malefoy et qu'on avait daigné se retrouver dans une maison contradictoire à des lunes de traditions, à la seule et véritable bonasse seconde de toute une existence. Aussi se rappela-t'il de ce cours de potion annulé pour cause de festidité abondante. C'était bien une bonne raison pour mettre des irascibles en colère... Justement, Nathaniel devait très certainement bouillonner de l'intérieur, lui qui ne ratait jamais un cours, sinon pour aller bouquiner sur des matières plus approfondies. Ouais... De quoi contorsionner les tripes d'une licorne pour la rendre irritable jusqu'à la fin de ses jours!
Hydrus rirait plus tard de cette situation qui pourrait, pour l'instant, le mettre dans de beaux draps. Car, même s'il ne redoutait pas les retenus subséquentes qui étaient assidûment systématiques à son emploi du temps, il faindrait pendant un court instant le courage de ne pas ciller juste avant de recevoir une correction digne de sa désobéissance. Mais, son antipathie et son obstination restait un atout qui le sauvait, la plupart du temps, des points fermes de ses adversaires. Et puis, Lestrange était civilisé, il n'en viendrait pas jusque là maintenant. Enfin... Pas aussi facilement. Valait mieu rester prudent.

- Ben! Qu'est-ce qu'on ferait pas pour ses dames! Dit-il, y ajoutant un clin-d'oeil distinct.

Oh, Nathou-chéri comprendrait le commentaire, lui qui faisait si bonnement concurrence à Hydrus. Et ce, sans bouger le petit doigt ni même ouvrir la bouche! À force, ce devait bien lui faire valoir une mauvaise haleine ici et là, de quoi faire suivre le matin jusqu'aux petites heures, lorsqu'il décidait de chuchoter des mots doux à sa soeur. Sélénia... Une raison de plus pour haïr ce béotien.
Lui, il devait bien trouver des prétextes soit disant "philosophiques" pour rôder autour de sa soeur comme un vautour.
Hydrus ne se permettait jamais d'imaginer sa soeur en compagnie d'un quelconque garçon, et surtout pas son cousin. Il avait eut vent d'une soirée de réveillon bien arrosée, selon lui. Mais il avait rapidement fait taire les rumeurs en menaçant n'importe qui voudrait salir la réputation de Sélénia. Ce ne serait certainement pas Nathaniel qui en récolterait le fardeau, mais bien sa frangine...
Malgré toute les pensées qui hantaient son esprits, son visage restait rieur. C'était bien une rare occasion de le voir déguiser un sentiment de joie candide, combattant sans relâche contre une haine qui se dissipait, malgé tout, rapidement. Nathaniel saurait-il où frapper?
Hydrus fit disparaître, d'un revers de main, les dernière goutelettes qui perlaient sur son front. Sa baguette était sagement restée au creux de sa poche, histoire de s'en servir si besoin venait. Hydrus ne voulait que provoquer, la hardiesse ayant manqué à l'appel au pied de son berceau.
L'adolescent prit une position décontractée, posant une main sur le bord d'un lavabo, et l'autre, sur sa hanche. Il devait bien rejoindre Nathaniel, un ou deux pouces absents ce jours-là.

[C'est presque rassurant ]

Horreur et damnation. Le jeune homme avait beau ne pas s'intéresser à la majorité de ses cours, du moins mentalement, car physiquement, hors du fait d'être un Vert et Argent, on ne pouvait guère lui témoigner autre chose que de l'admiration ou de l'envie, dépendamment des positions. Nathaniel avait ce don particulier d'inspirer un quelconque sentiment à tous ceux qui croisaient son chemin, que ce soit le mépris ou la jalousie, le garçon ne laissait personne indifférent. Un vrai petit grimoire vivant, il avait réponse à tout, mais la taisait souvent, simplement par lassitude de devoir ouvrir la bouche pour s'adresser à une bande d'ignâres complètement déroutés. À quoi bon tenter d'inculquer son savoir à une bande de Veracrasses tout juste capable de tenir une baguette ou une conversation sur un sujet léger. Vraiment, il y avait bien longtemps que le jeune Lestrange ne se préoccupait plus des larves de son niveau, préférant et de loin, la compagnie d'un livre de la Réserve de Poudlard à une entitée vivante, comme de s'enfermer dans une routine certes routinière, mais qui lui convenait hors de tout doute.

Nathaniel Gaël Lestrange, fils de Martyr Lestrange et d'Eden Rosier, frère de Luke Noah Lestrange ainsi que cousin de la raffinée et la douce Sélénia Malefoy. Son entourage familial était des plus dignes, si on négligeait volontairement une mauvaise herbe qui a poussé dans le plus somptueux des châteaux, le sang Malefoy. Ce même être qui, ne méritant plus le titre d'appartenir à ce clan fermé des Privilégiés, des nobles du Sang et des exceptions, noblesse infâme et cruelle, ce même garçon qui, les grands yeux ronds, venait de voir apparaître celui qui fut, à l'époque, son cousin. Comment ne pas reconnaître la blondeur de sa chevelure, le bleu de ses yeux et sa peau claire, celle qu'on renommait pour être de cette famille noble de Sang Pur française. Malefoy. Le plus jeune rejeton -et seul héritier mâle de son sang- avait renié les principes même, les bases de son éducation. Sans manière, Nathaniel le regarda, froid comme à son habitude, mais s'étonnant encore, mentalement, de le savoir toujours en vie. Jamais Martyr n'aurait toléré pareille trahison, et imaginant faire de même, il dut réprimé l'envie d'un rire glauque.

«Se mettre à genoux n'a rien à voir avec les femmes, Hydrus. D'ailleurs, à ce propos, il me tarde de voir quelle cruche à deux Noises a décidé de t'accorder son attention, même provisoire.»

Oh qu'il avait l'impression que cette réplique concernait plus ou moins ces demoiselles qui semblaient n'être pas insensible à son charme impétueux, mystérieux et intelligible. Comme le regard bleu de Nathaniel détaillait feu celui qui fut son cousin, il ne put s'empêcher d'afficher l'esquisse d'un sourire. Sans doute ce dernier, loin d'être proche de sa soeur, digne fille des Malefoy, semblait irradier des relations de ce cousin arrogant qui est plus proche de Sélénia qu'il aurait pu rêver l'être, quand il existait encore. Soyez en sûr, pour les nobles Sang, ce garçon n'existait plus, n'était plus dans les anales et pour sûr son nom avait été brûlé à même l'arbre généalogique. Ne s'attardant pas sur la douce pensée que lui inspirait Sélénia, l'un des seuls êtres humains qu'il appréciait, pour remarquer ce visage insouciant qu'il n'aurait jamais cru, de toute son existence, voir sur un visage de Sang Pur. L'insouciance, l'inconscience, la simplicité volontaire d'un sentiment que l'on appelait la joie. Ce simple mot procura un frisson désagréable sur l'échine du Lestrange. La joie était un fardeau inutile et complètement fluet, quelque chose qui n'inspirait à nouveau à Nathaniel qu'indifférence et arrogance. Pourquoi se contenter de pareil éphémère quand la haine et la vengeance était beaucoup plus consistant?

«J'espère qu'il ne s'agit pas de ton dernier endroit en lice pour faire des coups foireux...»

Hydrus souleva un sourcil rieur. Ces Serpentards étaient si... austères! Dignes du coin de la bouche d'un membre du ministère chargé de soulever des conflits entres centaures et géants: c'était mesurer leur rigueur et leur habitude à prendre la vie aussi sévèrement. Quoiqu'ils aient aussi la fâcheuse habitude d'être particulièrement intolérants à toutes les classes auxquelles ils n'appartiennent pas, certains allaient mêmes jusqu'à se dénigrer mutuellement pour garder cette "pureté" aussi invisible qu'inutile. C'était pourtant prouvé: les Serpentards avaient certes du talent à revendre mais ce dernier remontait un peu trop à la tête de certains au point d'en créer un disfonctionnement neuronal qui sentait le brûlé à des miles à la ronde. Hydrus avait cent fois observé le genre Serpentard et il était prêt à affirmer qu'il comprenait parfaitement la psychologie et le mode de fonctionnement des plus coincés.
Son cousin ne faisait pas exception à la règle. Et c’était une satisfaction pour Hydrus d’en constater chaque jour les faits : démarche décidée, allure indéniablement sombre et les yeux rageur perdus dans des pensés lugubres. Ça faisait belle lurette que le jeune Poufsouffle avait décidé de ne jamais ressembler à quelque chose d’aussi lourd et complètement rasoir.

- Tiens, tiens, ça sera bien la première fois que tu t'intéresseras aussi ouvertement à ma vie amoureuse.

Le Poufsouffle savait parfaitement que Nathaniel était l’homme idéal aux yeux de certaines, mais il fallait croire aussi que le jeune dandy n’était accessible que pour le centième de la moitié du groupe de fille qui l’épiait en cachette. Suis-moi, je te fuis : le contraire ayant un résultat tout aussi peu concluant. On chuchotait ici et là l’hypothèse que probablement que sans doute qu’on supposerait l’éventualité que Lestrange ait des affinités plutôt… masculines ? On pensait aussi que cette rumeur eut prit souche dans la langue acerbe de son fidèle petit cousin jaune. Mais là encore, les ragots s’étaient évanouis avec le temps et on ne faisait plus allusion au célibat quoique novice du Lestrange. Mais peu importe, Hydrus se faisait une joie, comme à son habitude, d’en faire des insinuations comme si s’eut été le charme de Lestrange qui faillait à sa tâche.

- Ho, rassures-toi, je préfère de loin les endroits à découvert. Tu, vois, il faudrait condamner l’étage entier pour que ça donne un quelconque résultat ; dit-il, en balançant la main, comme s’il prenait les allures d’un professionnel délivrant les secrets de son métier.

Pourquoi l’aurait-il nié ? Après le coup de la salle de potion, Hydrus se replierait pour… Mmh… au moins une semaine ! Le temps de penser à une autre plaisanterie... Et tout dépendant de la marge de manœuvre de même que l’ampleur du dénouement escompté.
Il faut le croire, du haut de ses 15 ans, Hydrus n’était plus le petit première année soucieux de garder le respect de ses professeurs. Il avait compris assez tôt la superfluité de cette civilité à laquelle les gens comptent dans la vie.